Ostéo-micronutrition
Ostéopathie traditionnelle et terrain nutritionnel
Troubles neuro-psychiques dopaminergiques et Ostéo Micro Nutrition
Les troubles psychiques peuvent-ils avoir une origine biologique, métabolique, nutritionnelle ?
Comprendre l’axe dopaminergique
Repérage des déficits et prise en charge ostéopathique.
Introduction - Concept
Quelles que soient vos origines académiques (votre école!) le sujet des troubles neuropsychiques a bien souvent été enveloppé d’un grand voile de mystère, voire de mysticisme, qui a conduit quasi inévitablement l’étudiant, quelquefois dès sa deuxième année, à acquérir un des best-seller en la matière, la thérapie cranio-sacrée ou libération somato émotionnelle et au delà, de John E. Upledger.
Qui n’a pas dans sa bibliothèque, l’un de ces ouvrages (ou sa photocopie… c’est pas bien ![1]) ?
À partir de cette base, la messe est dite, l’ostéopathie somato-émotionnelle sera la seule réponse possible à ces motifs de consultations. Ce modèle psychanalytique appliqué au corps va apporter de réels bienfaits et permettre à beaucoup de patients d’émerger, de trouver par ce point d’appui somatique, une voie vers la guérison.
Notre propos va bien sur exclure les dépressions réactionnelles aux accidents de la vie qui relèvent d’un accompagnement psychologique.
Il faut cependant reconnaître des cas d’échappement, des cas qui ne répondent pas à ce type de prise en charge, admettons aussi l’inexpérience ou l’immaturité de quelques thérapeutes et nous voilà de nouveau sur le terrain de la recherche de la cause.
Et si l’origine était plus biologique que psychique ?
Et si l’ouverture vers le psychisme passait par la normalisation biologique?
Et si nous trouvions dans la règle de l’artère un path[2], un sentier, vers la santé?
La règle de l’artère est reine, signifie que nous devons nous préoccuper de l’acheminement du sang vers l’organe, de son drainage mais aussi des nutriments qui sont véhiculés par cette artère de vie.
Par la combinaison du soleil, de la terre, de la plante et de l’animal, le nutriment est conçu et doit atteindre l’organe. Le trajet est long et l’artère anatomique n’est qu’un maillon de la chaîne. Il semble évident que cette artère, sous la plume de Still, est une métaphore qui donne une dimension universelle à son propos.
Ce n’est pas une révélation, les ostéopathes se sont, depuis le début, intéressés au contenu de l’artère :
- Andrew engage ses patients vers une hygiène de vie cohérente pour l’époque et apporte des corrections alimentaires après ses traitements,
- Dans les Yearbook, on trouve même la promotion pour des compléments alimentaires sensés assurer un normal opsonic index du sang[3] !
- Hulett (G.D.) insiste sur cet environnement et la nécessité de comprendre ces mécanismes : Un millier de conditions environnementales et d’habitudes individuelles peuvent initier ou prédisposer aux désordres de fonctions.[4]
Mais celui qui est allé le plus loin sur ce chemin, est cet auteur ostéopathe qui en 1982 lance une étude pour le moins osé : Problème de Comportement de l’enfance.
Cette étude est menée sur 41 enfants atteints de syndrome autistique dans un centre spécialisé et va s’étaler sur trois ans. Elle prendra en compte des paramètres physiques, posturaux et des dysfonctions ostéopathiques ainsi que des paramètres chimiques, par le biais d’analyses de cheveux et de sang.
Elle démontrera l’implication des polluants environnementaux et des carences en oligoéléments dans des troubles du comportement qui ne sont trop souvent abordés que par l’unique voie thérapeutique du psychisme.
Un ostéopathe s’adonne à la micro-nutrition bien avant l’heure et sans les avoir!
Cet article passionnant a été publié dans le The journal of applied nutrition en 1982.
J’allais oublier de vous citer son auteur, peut-être le connaissez vous ?
John E. Upledger, DO !
En guise de rappels physiologiques
Que les spécialistes en la matière me pardonnent, je vais prendre quelques libertés de formulation dans ce paragraphe, sans altérer le sens, afin de le rendre plus digeste. Si vous connaissez le sujet, passez directement au suivant : détections et formes.
o Principes :
Un des éclairages majeurs qu’apporte la micro-nutrition à l’ostéopathe est celui de la notion de compartiments.
Imaginez le corps comme une succession compartiments emboîtés les uns dans les autres, dont la perméabilité serait capricieuse, dépendante du substrat. Imaginez le compartiment le plus profond, le plus difficile à atteindre, le plus protégé, le plus étroit mais aussi un des plus puissant, vous êtes dans le neurone central.
L’autre éclairage majeur est celui de fuite[5]: ces boîtes sont des passoires et chaque substrat, dans chaque compartiments peut-être utilisé sur place et ou rejeté au dehors ; voilà une fuite qu’il va falloir limiter si c’est possible, ou alimenter en conséquence de la perte.
En pratique :
o Les compartiments :
§ Le premier compartiment est l’aliment lui-même; nous ne consommons que très rarement des corps simples, prêts à l’emploi. Nous absorbons (au sens intestinal) des acides aminés, des dipeptides, mais nous nous gavons de grosses protéines enrobées de bonnes (succulentes) graisses animales !
§ Deuxième compartiment, l’espace portal; hormis quelques lipides favorisés qui shuntent cet espace par le système lymphatique, il faut passer le foie pour la plupart des micronutriments.
§ L’espace extracellulaire sera le troisième, la gare de triage hépatique franchie. Cet espace est à haut risque de « fuites » (utilisation) car en connexion avec tous les organes.
§ Le quatrième, le saint des saints, la barrière hémato-méningée passée avec succès, notre nutriment entre dans le neurone central. Cet exemple, pour servir notre propos futur, est idoine, mais on pourrait d’une manière générale considérer le milieu intracellulaire somatique comme quatrième compartiment.
§ Je suis persuadé que votre sagacité saura trouver le cinquième[6]!
o L’épopée de la dopamine
§ L’histoire pourrait commencer par un Acide Aminé essentiel[7], la phénylalanine ou mieux encore sa descendance, la tyrosine[8].
Cette tyrosine comme ses collègues, entre dans la ronde permanente de la construction et déconstruction des protéines du corps, dans tous les compartiments. La récupération est de mise car la denrée est rare, triage sélectif et économie ont été inventés par notre vie biologique.
Bien sûr il y a des pertes irrécupérables, des fuites inévitables et ainsi il faut un apport quotidien suffisant à même de compenser ces manques.
C’est pourquoi, ce premier compartiment (l’aliment) apporte autour de 50% de ce turn over quotidien, issus de notre voracité carnivore[9], mais aussi d’une forme d’autophagie puisque nous absorbons le produit de la desquamation cellulaire intestinale.
Notre Tyrosine, bien séparée de ses homologues par diverses protéases, peptidases, arrive aux portes de l’entérocyte, impatiente de se jeter dans le flot de l’espace cave. Malheureusement pour elle la porte qui lui est dévolue ne lui est pas réservée, 6 prétendants pour un même passage, la dure loi de la compétition opère et là le nombre sera décisif. En fonction de la teneur d’origine de la protéine, le passage sera favorisé ou pas.
§ Soyons positif, elle passe la porte magique et se retrouve dans cette antichambre du foie, grand constructeur de protéines devant l’éternel. Les besoins sont-ils accrus ? Infection, inflammation, transports d’hormones, elle devra partir au service, ou, sort encore plus triste, un besoin énergétique et notre tyrosine sera jetée dans le fourneau du cycle de Krebs ! Mais non, c’est bon pour cette fois, elle passe le cap vers la circulation générale. Ouhaa, c’est grand !
§ Notre pauvre tyrosine est alors très convoitée, les surrénales la réclament, pour déjà en faire de l’adrénaline, le cortisol la pousse au fourneau, l’insuline la fait entrer dans la cellule somatique (injuste incarcération !), la thyroïde veut en faire une hormone vitale…Inflammation, stress, hyperinsulinisme et hyperthyroïdie seront des conditions défavorables à la poursuite du périple de la tyrosine vers le centre de l’humain !
§ Elle réchappe à tous ces écueils, du moins subsiste t elle en quantité suffisante pour se présenter aux confins de notre cerveau, devant la barrière hémato-méningée. Encore une compétition d’entrée et grâce à sa petite taille, elle pénètre enfin le neurone central.
§ De tyrosine, elle doit se faire L dopa avec un peu de fer et de vit B3, puis une pincée de magnésium, de zinc, de vit B2 et B6 feront d’elle une vraie dopamine. Ouf ! Elle va pouvoir enfin participer à la noble tâche de la transmission de l’influx nerveux, de l’information, quelques milliardièmes de secondes où son rôle sera primordial. Elle sera la vedette qui vous fera sauter du lit ce matin, ou amorcer le mouvement de ce pied vers le départ du marathon ou la porte de la salle de bain !
Détection et formes
Belle épopée, mais quels signes cliniques peuvent nous alerter sur un déficit dopaminergique ?
La dopamine est le starter du mouvement, ce neuromédiateur permet de démarrer l’action. Souvenons nous de sa carence totale chez le patient atteint de la maladie de Parkinson : initier la marche est un enjeu difficile pour lui, mais quand il est parti, c’est presque gagné, à condition qu’un obstacle ne lui impose de démarrer une autre action (évitement, allongement du pas…).
À un moindre niveau, nous retrouverons des plaintes proches chez notre dépressif dopaminergique :
- Fatigue, prédominant le matin
- Ralentissement général
- Perte de la capacité à faire des projets
- N’est plus attiré par ses passions, ses hobbies.
- N’explore pas la nouveauté
-Indifférence, repli sur soi, ne cherche plus la compagnie de ses amis
- Trouble de l’attention et de la mémoire
- Sommeil présent mais non reposant
Notons que ce type d’affection touche plus favorablement les sujets masculins, encore que notre société imposant des rythmes de vies « unisexes » tend à démentir de plus en plus cette remarque. Il peut arriver que ce trouble soit traité par des I.R.S.[10], avec le succès que l’on peut imaginer. On conçoit dès lors l’importance de sa détection et de sa prise en charge.
La non prise en compte de ces signes conduit au syndrome de Burn out, que l’on pourrait imager par une ampoule (à filament) qui se grille ! Notre patient est éteint après une période d’hyperactivité.
Dans la même famille des troubles dopaminergiques, on pourra noter des pathologies très invalidantes qui pourront trouver des voies de prise en charge, proches de celles de la dépression dopaminergique. Citons les troubles de l’attention chez l’enfant jusqu’au fameux T.H.A.D.A et la D.N.B.P.C [11].
Pour terminer ce tableau autour de la dopamine, il faut noter qu’elle est à l’origine du plaisir procuré par la plupart des addictions. Elle devient donc relativement rare par rapport aux récepteurs qui se sont créés dans une situation de sevrage : elle participe ainsi au syndrome de manque.
Prise en charge ostéo-micronutritionelle
Un coup d’œil sur notre paragraphe épopée de la dopamine va nous permettre une réflexion ostéopathique autour de 4 situations cliniques relativement fréquentes.
- 1ère situation : déficit d’apport, premier compartiment vide!
o Il faut réintroduire des aliments à forte teneur protéique, surtout aux périodes de grands besoins. Vous avez reconnu nos adolescents, qui, sous l’effet de la bienfaisante G.H.[12], construisent de l’os (trame protéique !), du muscle et ne mange que des hydrates de carbone (produits « blancs » : céréales, pâtes, pizzas)! Résultat : un adolescent mou, dors mais reste fatigué, concentration médiocre… Un petit-déjeuner protéiné, devrait améliorer cette situation, utilisez les céréales comme litière pour le chat, ils apprécieront (le chat et l’ado !). Vive le jambon,bacon les œufs…
- 2ème situation : foie et pancréas exocrine en RTT
Une fonction biliaire fatiguée, un pancréas feignant comme un lézard et voilà un beau gaspillage qui s’instaure. La protéine mal digérée continue mollement sa descente, parvient au colon qui fait travailler nos amis les bactéries en fin de trajet, produisant ainsi un hydrogène sulfuré du plus mauvais goût !
o Les graisses ne sont pas émulsionnées, les protéases ne peuvent agir (sont elles déficientes aussi?). Les apports en A.A. sont trop faibles. Vous reconnaîtrez ces sujets par leur propension à la putréfaction ( gaz odorants), des selles épisodiquement flottantes (trop grasses) et une incapacité à digérer les repas trop lourds.
La prise en charge ostéopathique passera par une évaluation :
de la fonction pancréatique, et bien sur des rapports connexes, neurovégétatifs, vasculaires, vertébraux de contiguïté etc…
de la fonction hépatique, directe et comme précédemment à distance.
voir illustrations
- 3ème situation : déviation la tyrosine vers d’autres horizons…
Une dysfonction surréno-rénale avec une production anormalement continue de cortisol, de catécholamines, peut être sous l’effet d’un stress exogène trop permanent. On retrouve un sujet avec des troubles de la sudation, des ongles qui peuvent être bicolores, si le terrain est ancien on remarquera des cicatrices de couleurs rouge sombre, témoignant de ce déséquilibre. L’axe de votre prise en charge sera alors la régulation de la fonction rénale, pensez à la zone vertébrale dorso-lombaire, au diaphragme et aux ptoses rénales qui peuvent initier ces dysfonctions.
Autre situation fréquente sera l’hyperinsulinisme, du sujet en prédiabète qui dévie sa tyrosine en intra-celllulaire somatique avec le glucose. Le sujet sera reconnaissable à son petit ventre qui s’arrondit et à sa glycémie qui est parfaite (selon lui) c’est-à-dire entre 1g et 1,10 g/l ! La correction alimentaire s’impose, et si cela est encore possible, le traitement direct du pancréas, de la zone dorsale correspondant au grand splanchnique, principalement autour de la 7ème dorsale.
Une autre déviance fréquente de la tyrosine correspond à la voie thyroïdienne. Une glande thyroïde qui se met en surproduction ou plus fréquemment en irrégularité va dépenser outrageusement la tyrosine. On retrouvera des signes de dysthyroïdies souvent associés, hors cas de pathologies médicales avérées, à des dysfonctions de la vascularisation particulièrement fragile de cette glande. Un bilan cervical rachidien et des aponévroses moyennes et superficielles devrait vous mettre sur la piste.
Bien d’autres possibilités de détournements pourraient être envisagées, des inflammations chroniques à l’hypersportif, ainsi qu’à la prise de compléments alimentaires non adaptés qui peuvent saturer les sites d’absorption, mais leur exposé dépasserait le cadre imposé par cet article.
- 4ème situation, la tyrosine arrive bien dans le neurone central, mais les cofacteurs nécessaire à son développement son absents ou trop rares.
Un manque de fer, vous êtes alerté par une ferritine dans les chaussettes (inférieure à 50 mg/l), mais attention elle peut –être haute par inflammation ! Surveillez les apports, et l’absorption intestinale. Au travail sur les anses du jéjunum, à la chasse aux adhérences ; le carrefour du fer : le foie, encore lui…
Le magnésium, avec son absorption couplée au calcium. Deux échecs fréquents, la dépense augmentée dans le fonctionnement mitochondrial, donc situation de stress et sportifs ou l’excrétion urinaire excessive.
À chaque fois l’ostéopathe doit trouver le maillon faible, et répondre à cette question universelle : comment le patient a t-il pu dépasser ses forces vitales, ses capacités adaptatives pour sombrer dans la dysfonction ?
Ne voyez pas dans ces lignes des recettes de traitements mais plutôt des axes d’investigations qui vont vous permettre de comprendre les différents schémas lésionnels et accompagner vos patients vers un équilibre cohérent de ce neuromédiateur.
Complémentation
Le débat est animé, d’un côté des protagonistes de la complémentation à tout va, nous assurent qu’un déficit ancien ne peut être rattrapé par l’alimentation seule.
De l’autre le thérapeute holistique, fut-il ostéopathe, souligne avec raison que les mêmes causes produiront les mêmes effets et que complémenter à vie n’est pas une solution satisfaisante.
Ils ont certainement tous raison, ne soyons pas plus Stillien qu’Andrew, acceptons qu’une aide soit nécessaire. Cet apport de L tyrosine (naturelle) permet de se jouer des aléas de la compétition face aux récepteurs entérocytaires et hémato-méningés.
Ne perdons pas de vue qu’il subsiste un problème et que nos doigts et notre esprit d’ostéopathe nous permettent de détecter, comprendre et accompagner notre patient vers la fonction.
De nombreux laboratoires proposent de la L tyrosine associée ou non à ses cofacteurs.
Je laisse le soin à chacun d’eux de vous parler de ces produits qui ont largement fait leurs preuves sans déroger au naturalisme de la démarche.
Remerciements à:
- Gérard Montet D.O. pour avoir partagé avec moi sa profonde culture ostéopathique et sa bibliothèque.
- Yves Lignon D.O. pour avoir défendu et propagé la nutrition auprès de ses élèves ostéopathes depuis 35 ans.
- Docteur Michel Retzmanick pour nous avoir ouvert les portes de la micro-nutrition.
[1] Le téléchargement et la photocopie tuent la création… Choisissez bien vos cibles SVP !
[2] Traduction : sentier, chemin
[3] Moi non plus je ne sais pas exactement ce que cela signifie, mais la Bovinine était à base de sang de bœufs !
[4] G.D. Hullett: A text book of the principles of osteopathy1922 fifth edition
[5] Notion relative à un objectif donné.
[6] Oui, c’est bien le noyau de la cellule.
[7] Un des 20 A.A. que pauvres humains nous ne savons pas créer dans nos propres cellules
[8] Un semi essentiel car nous sommes capable d’en produire à partir de la phénylalanine!
[9] 50% des protéines sont d’origine animale dans les pays riches. Généralement plus arides en AA essentiels, le blé et le soja sont cependant bien pourvus pour Ph et Tyr (complètes).
[10] Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine : antidépresseur le plus utilisé aujourd’hui.
[11] D.N.B.P.C. :
Déficit Neuro Biologique de la Post Cinquantaine
T.H.A.D.A. :
Troubles Hyperkinétiques avec Déficit de l’Attention
[12] Growth Hormone : hormone de croissance